vendredi 2 avril 2010

Sur un coup de tête... (parution sur le site Foot Citoyen)

Un récit d'une mésaventure footballistique qui m'est arrivée fin février sur un terrain de foot... J'ai proposé ce récit au magazine Foot Citoyen qui l'a trouvé intéressant et l'a publié sur son site internet !


Mea culpa

Sur un coup de tête…


Licencié depuis près de vingt ans, j’ai rarement eu l’honneur de me prêter au rituel arbitral du brandissement d’un carton. Tantôt réputé, tantôt chambré pour mon fair-play sur le terrain, j’ai pourtant perdu mon sang froid ce jour-là. Rien de grave, certes. Et un carton jaune anecdotique. Mais j’ai perdu mon sang-froid. Sur un coup de tête…

Après une trêve forcée de plus de deux mois, il était temps que le championnat reprenne ses droits. Deuxième à un point du leader, on se déplaçait, pour cette rentrée, chez la lanterne rouge du groupe. Comme le permet le règlement du District, l’équipe locale a obtenu le décalage du match sur terrain synthétique. Je n’aime pas trop cette surface, le football n’est pas le même : les duels au sol sont niés, les rebonds de la balle plus marqués, la vitesse du jeu décuplée. Ajouté à cela une équipe adverse que l’on qualifiera, à tort ou à raison, de « provocateurs ». Bref, cela sentait le match piège à plein nez ! Et, en effet, il ne me faut pas cinq minutes pour réaliser que ce match ne sera absolument pas une partie de plaisir. Perdus sur ce terrain aux dimensions réduites, nous sommes bousculés par une équipe qui en veut. Sur mon côté gauche, pas grand-chose à signaler en ce début de match : le jeu se déroule principalement de l’autre côté du terrain. J’ai quand même pu m’apercevoir que mon adversaire direct est un petit dribbleur assez vif. Un « provocateur » aussi, qui tente de m’intimider à la sortie du premier duel aérien que je viens de gagner. Au bout de vingt minutes, les premiers signes d’énervement sont palpables dans notre camp : on n’arrive pas à poser le ballon, notre jeu habituel se met pas en place. Pire, cela parle beaucoup sur le terrain et je sens poindre, chez nous, un manque de sérénité collectif.

Un coup de tête mal contrôlé

En général, je sais assez vite si je suis dans un bon jour. En l’occurrence, j’étais plutôt bien dans mon match : solide dans les duels et précis dans les passes. Mais le foot n’est décidément pas une science exacte ! La preuve : un ballon aérien vient dans ma zone de jeu. Sûr de moi, je préviens mon stoppeur avec un « J’y vais ! » convaincu. Bien mal m’en a pris… En reculant, je perds légèrement mon équilibre et mon coup de tête « arrière » se transforme en passe décisive pour l’avant-centre local. Ce dernier n’en demandait pas temps ! Il récupère l’offrande et lobe tranquillement notre gardien de but. Le but idiot par excellence ! De rage, je shoote violemment dans la bouteille d’eau qui se trouve dans les filets ! J’ai coûté un but à mon équipe et je déteste cette sensation coupable !

Un leitmotiv : rattraper mon erreur !

Je suis énervé, je m’en veux. Compréhensifs, mes coéquipiers n’en rajoutent pas. Il reste du temps, après tout. Mais je suis psychologiquement marqué. Je rate une ou deux relances, je suis désormais en retard dans tous les duels et, surtout, je commets plusieurs fautes qui provoquent des coups francs dangereux. J’ai clairement « la tête dans le sac » mais je n’ai pas la lucidité de demander le remplacement. Il me faut bien dix minutes pour que je reprenne mes esprits. Je ressens alors ce que tous les footballeurs connaissent bien : l’envie de rattraper son erreur. Tant bien que mal, je reviens peu à peu dans le match. Je réussis plusieurs bonnes passes. Je reprends confiance en moi. Et je suis de nouveau décisif, dans le bon sens cette fois-ci ! Suite à une action en triangle, je centre à ras-de-terre dans les six mètre où un coéquipier récupère le ballon et égalise promptement. Je suis soulagé, j’ai contribué à cette égalisation. Je ne le sais pas encore mais je suis toujours atteint psychologiquement par mon erreur. La mi-temps est sifflée et c’est l’apaisement qui prédomine dans les vestiaires. En revenant au score, on a fait le plus dur, pense-t-on. Sans surprise, l’entraîneur décide de me remplacer. Je n’ose contester, je sais que j’ai raté ma première mi-temps.

Chaud sur le terrain, chaud sur le banc

C’est donc sur le banc de touche que j’assiste au début de la seconde période. Je vois mes coéquipiers dominer copieusement le premier quart d’heure de la reprise, se procurer cinq ou six occasions franches, rater un pénalty et même bénéficier d’un avantage numérique après l’expulsion logique d’un défenseur adverse. Mais cette domination restera vaine. Je remarque aussi l’énervement qui se développe sur le terrain. Le jeu est haché, les duels se musclent, toutes les décisions arbitrales sont contestées. Pour calmer tout son monde, l’arbitre doit sortir plusieurs cartons jaunes de part et d’autre, synonymes d’exclusions temporaires de dix minutes. Sur le banc, on n’en reste pas moins tendu, comme contaminé par ce qui se passe sur le terrain. Moi, je repense encore à cette tête manquée et à ce but offert sur un plateau. Surprise : à un quart d’heure de la fin, l’entraîneur me demande de rentrer au milieu de terrain. Alors qu’on attend un arrêt de jeu pour opérer le changement, l’équipe subit un contre « assassin » ! Deux minutes plus tard, alors que je suis à peine revenu sur le terrain, nous encaissons un nouveau but. 3-1, le break est fait, le match nous échappe, nous allons perdre chez le dernier…

Dix secondes d’égarement

C’est l’abattement dans nos rangs. On a l’impression d’avoir laissé échappé nous-mêmes un match largement à notre portée. Il reste encore dix minutes mais le sort est jeté… Moi, je rumine intérieurement : j’ai raté ma première mi-temps, j’ai été logiquement remplacé, on est en train de perdre chez le dernier et de compromettre une éventuelle montée. Alors qu’on aborde le temps additionnel, je commets un croche-pied maladroit qui traduit plus mon immense frustration qu’autre chose. Mais ma « victime », elle, n’a pas apprécié ce geste, pas méchant mais bien inutile et évitable. Elle se dirige vers moi, furieuse. Une petite insulte, un regard belliqueux, et là, je réalise l’irréparable : je réagis ! Oh, je ne lui renvoie pas que son regard noir, je le bouscule un peu aussi. Pas grand chose, certes, mais déjà tellement trop ! Heureusement, l’incident, qui a dû durer moins de dix secondes, s’arrête là. L’arbitre intervient rapidement. Mon capitaine m’écarte de la « meute » qui s’est formée et me calme. Je « redescends » rapidement, je n’avais pas d’intention « guerrière ». Je me rends compte très vite de la bêtise de ma réaction, si inhabituelle. Une réaction épidermique, du genre que vous regrettez tout de suite après ! Et, je dois bien l’avouer, j’ai peur du carton rouge ! Je balbutie quelques excuses à l’arbitre et à mon adversaire. L’homme en noir est heureusement clément, il sort un jaune aux deux « énervés » ! Soulagé, je sors du terrain calmement. Mais intérieurement, je boue : j’ai raté mon match, on a perdu et j’ai pris un jaune pour une réaction puérile !

Chronique d’une violence banalisée ?

Le match se termine sur cette altercation. En rentrant aux vestiaires, je reprends naturellement mon rite de fin de match : je sers la main de l’arbitre et de quelques adversaires qui se trouvent sur mon chemin. Je les félicite brièvement. Eux, ils ont fait leur match et ont gagné avec leurs « armes ». Nous, on est tombé dans la facilité, on a vite perdu notre sérénité et on a répondu aux « provocations », moi le premier. Dans les vestiaires, il y a bien quelques réactions à chaud, mais uniquement sur le jeu. Ma prise de bec est à peine commentée si ce n’est par un triste « C’est bien. Tu ne t’es pas laissé faire ! » lancé par un pote. Non, je ne suis pas d’accord avec lui ! Dire ça, c’est banaliser la violence dans le football amateur ! Je ne suis pas fier. Je déplore même que personne ne m’ait reproché d’avoir réagi de la sorte. L’incident fut bénin mais il aurait pu provoquer une « vraie » bagarre. Il n’en fut rien, et tant mieux. Il restera au stade de l’anecdote, mais pas pour moi ! Je possède une certaine vision du football, la violence n’y a pas sa place. C’est la gangrène de notre sport ! J’ai haï Zidane et son coup de boule en 2006. J’ai pourtant réagi comme lui, toutes proportions gardées. Même avec du recul, je n’ai pas d’excuses à implorer pour expliquer cette attitude. Cette tête raté, ce but encaissé par ma faute, ce remplacement à la mi-temps, cette défaite inattendue, non rien ne peut justifier mon geste d’humeur. A moi de retenir cette « leçon » afin que cela ne se reproduise plus jamais ! Non, rater une tête ne doit pas faire perdre…la tête !


Par Pierre Leduc (mars 2010)

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