mardi 27 avril 2010

"Mot Dit" du jour (10)

« On n'est pas là pour réclamer de l'argent. On est là pour réclamer d'être payés à la hauteur de la qualité de notre production et pour préserver notre compétitivité. »

(Fred Plasmans, céréalier de 42 ans basé dans l'Oise, Agence Reuters, 27/04/2010)


Loin de moi l’idée de juger le fond du problème vécu par les céréaliers, et par extension par le monde agricole, mais intéressons-nous plutôt à la forme de cette déclaration, heu, réclamation plutôt !

En effet, en usant d’une sorte d’antithèse* teintée, cela va de soi, d’ironie, le céréalier de l’Oise a fait sa propre réclame auprès des médias. Pourtant, les mamans le répètent souvent à leurs enfants : « Ce n’est pas beau de réclamer ! » Car notre agriculteur ne demande ni plus ni moins à l’Etat qu’une augmentation des revenus pour lui et l'ensemble de ses confrères.
« On n'est pas là pour réclamer de l'argent », oui mais « on est là pour réclamer d'être payés […] » : habile parallélisme d’argumentation ou joli effet de miroir mais qui ne laisse aucun doute sur le sens de la revendication !

Paradoxalement, les nombreux céréaliers, qui ont manifesté aujourd’hui dans les rues de Paris, ne veulent pas être payés…en nature ! Ils réclament à cor et à cri de l’argent frais ! De l’argent comptant surtout. En un an, leurs revenus ont chuté de 51% et le prix des céréales a reculé de 24% dans le cours mondial. Malheureusement pour eux, le prix actuel du marché est donc un prix de réclame. Un prix réduit, quoi…

Avec, notamment, la hausse des coûts de production et le durcissement des normes environnementales, les céréaliers doivent même se demander si le monde institutionnel ne se paye pas leur tête ! Toujours paradoxalement, ils payent un lourd tribut à une politique plus « écolo ». Pour eux, cette imposition de normes environnementales, exigeantes financièrement, ne paye pas de mine. Tout simplement. D’où leurs doléances qui feront certainement l’objet d’un nouveau registre de…réclamations !

Il est vrai qu’il est difficile de payer quotidiennement de sa personne pour assurer la production** journalière de céréales et de ne pas être payés à la hauteur de son dur labeur. Non, ce n'est pas le juste prix ! Mais la compétition mondiale est rude. Les cours mondiaux de la céréale donne, actuellement et depuis un moment, un rapport qualité-prix particulièrement défavorable aux céréaliers français. Or, la production de céréale, dans le vocable agricole, c’est de la « Grande culture » ! Mais à (très) petits revenus…



*figure de style qui consiste en un rapprochement, à l'intérieur d'une structure syntaxique binaire et équilibrée, de deux termes de même nature qui s'opposent sémantiquement)

** les céréaliers français ont l’une des meilleures productivités au monde

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