dimanche 21 mars 2010

Les "scrutateurs" ou les petites mains de la démocratie

Urne, enveloppe, bulletin, feuille de pointage : ces instruments de vote ne sont pas l'apanage des seuls électeurs mais également des "scrutateurs". A travers l'action de dépouillement, ces derniers concrétisent l'expression du vote des citoyens. Lors de ce 2nd tour des Régionales 2010, j'ai été au cœur de ces "petites mains", méconnues, de la démocratie. Récit d'un moment électoral ordinaire.


Dimanche 21 mars 2010, 17h45 : le scrutin du 2ème tour des élections régionales arrive tout doucement à sa fin. J'arrive tranquillement en Mairie de Rouvroy, "mon" bureau de vote, pour apporter comme à l'accoutumé mon suffrage. Mon vote tardif est volontaire car je souhaite, dans la foulée, assister au dépouillement des votes puis à la proclamation des résultats. Ce qui m'intéresse en premier lieu ? Le score du Front National dans ma commune.
Dans le hall, ça ne se bouscule pas. Je dis bonjour, sers quelques mains et me rends donc directement dans l'isoloir. Mon acte de citoyen effectué, je reste près de l'urne et interroge le Bureau de vote sur la tendance de la participation. A peine mieux qu'au 1er Tour (48,08%), m'annonce-t-on.

Tu dépouilles ou tu pointes ?

Je m'apprête à me mettre sur le côté, la clôture du scrutin est imminente, quand le secrétaire du Bureau de vote m'interpelle : "Pierre, on t'a inscrit pour le dépouillement !". Surpris par la soudaineté de l'annonce, je n'en suis pas plus étonné car j'ai déjà participé à plusieurs dépouillements par le passé. Le dernier en date ? Le 1er tour des élections législatives de 2007.
Très vite, les isoloirs sont démontés, les tables des "scrutateurs" montées. En l'occurrence, trois tables pour quatre personnes comme le prévoit le Code électoral*. Sans réfléchir, je me place sur la table la plus proche. Et me voilà en compagnie de trois scrutatrices ! Le "qui fait quoi ?" s'organise naturellement et je partage la responsabilité des feuilles de pointage. Une nouveauté pour moi car auparavant, je ne m'étais occupé que du dépouillement, à proprement parler, des bulletins de vote.

Pointer et tirer un trait !

L'urne est alors vidée de sa substance et les enveloppes sont classées par paquet de cent. En effet, chaque feuille de pointage fonctionne pour cent votes, précisément. Avant de procéder à l'ouverture des enveloppes, chaque table de scrutateurs prend toujours la précaution de vérifier le nombre de bulletins à dépouiller. Le compte est bon ? Et c'est parti ! Avec trois listes en lice, le travail de pointage est facile à mémoriser. A chaque proclamation « nominative » du bulletin de vote correspond un trait sur la feuille de pointage. Un système simple mais efficace ! La difficulté principale réside dans le fait de rester attentif. Les trois tables de scrutateurs sont proches et entourées de citoyens venus assister au dépouillement en direct. Bref, il y a parfois du bruit et il ne faut pas se laisser distraire. Des soupirs de désapprobation accompagnant une série de vote "FN", par exemple. Avec mes trois scrutatrices, on "travaille" vite. La coordination est parfaite : tu retires le bulletin de l'enveloppe, tu annonces à voix haute l'expression du vote et nous pointons. Une belle répartition des tâches, du "Taylorisme électoral" en quelque sorte !

Tendances à table, résultats au tableau

Le dépouillement se faisant par centaine de bulletins, on peut dégager facilement des tendances. A ma table, c'est trois cents votes qui sont sortis de leur enveloppe et qui ont été pointés. Peu de votes "non exprimés" ont perturbé le pointage "litaniesque" des trois listes en présence. Trois en fait, un bulletin "blanc" (vide) et deux nuls. Dans ma tête, je me fais au fur et à mesure mon petit calcul. Grosso modo, cela donne autour de 55% pour les "Forces de Gauche", de 25% pour le "Front National" et de 20% pour la liste "UMP/Nouveau Centre". Evidemment, ce n'est qu'une tendance. Déjà, sur les deux autres tables du Bureau de vote, les chiffres évoluent un peu différemment avec un vote "Forces de gauche" et "FN" plus élevé.
Il faut désormais attendre les résultats des autres bureaux de la commune. A 19h30, le Maire, Jean Haja, lui-même en position éligible, proclame les résultats définitifs. Entre-temps, le Bureau de vote principal de la Mairie s'est bien garni. Le moment est solennel et le verdict tombe : "Forces de Gauche" 60,14%, "Front National" 31,15% et "UMP/Nouveau Centre" 8,71%. L'ambiance est lourde, le score du FN interpelle, claque, fait peur. Mes prévisions se sont révélées finalement basses et ont surélevé le résultat de la liste menée par Valérie Létard. En tant que républicain, j'aurais préféré rester sur mes tendances "de table"…
19 heures 45, il est temps de repartir chez soi. Mes considérations de "scrutateur" sont terminées, place aux résultats nationaux et aux analyses diverses propres à chaque soirée électorale. La carte "régionale" de France va-t-elle évoluer par rapport à 2004 ? C’est une autre histoire...


Par Pierre Leduc


* "A chaque table, l'un des scrutateurs extrait le bulletin de chaque enveloppe et le passe déplié à un autre scrutateur ; celui-ci le lit à haute voix ; les noms portés sur les bulletins sont relevés par deux scrutateurs au moins sur des listes préparées à cet effet." (Article L.65 du Code électoral français)

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