samedi 13 mars 2010

Article - Exposition "Gisants" d'Edouard Trémeau

Un article sur une exposition de tableaux "Gisants" du peintre lillois, Edouard Trémeau, à la chapelle de l’Hospice Comtesse (Lille - avril 2008).


« Gisants » de Trémeau : l’horizon mortel de l’Homme


À travers dix autoportraits couchés, le peintre lillois
nous incite à infléchir notre regard sur la « fin »
de l’autre. Aux frontières de l’intime, l’oeuvre de
Trémeau offre au public une réflexion personnalisée et
personnalisable sur la notion de mort. À corps perdu.


Avec la chapelle de l’Hospice
Comtesse, Édouard Trémeau ne
pouvait rêver de meilleur lieu d’exposition
pour ses « Gisants ». L’artiste concède
lui-même que sa dizaine de toiles « ne
pouvaient être dans un autre lieu que
celui-là »
. En l’occurrence, on peut même
parler d’une véritable rencontre entre une
oeuvre et un lieu dans une atmosphère si
ce n’est religieuse, du moins spirituelle.
Dans cet endroit sacré, le Gisant nous
donne à réfléchir, à méditer sur la vie, la
mort, la résurrection.
Le Gisant est ce corps allongé méditant sur
un état intermédiaire entre le sommeil et
la mort. C’est un thème qui a été peint
dès le Moyen Âge. En « peintre d’idées »
qu’il est, Édouard Trémeau revisite, de
manière originale, ce classique artistique.
Fragmentés, de face ou de profil, ses propres
gisants sont déclinés sous différents
angles, multipliant ainsi les possibilités
d’interprétation, car « chaque toile a sa
globalité propre »
, selon l’artiste.

« Gisant » :
reflet de la mort ?


Avec ses autoportraits, Trémeau devient
son propre sujet de représentation. Tel un
miroir, ses toiles ont comme un effet réfléchissant
sur ce qu’il est ou sur ce qu’il est
devenu à ce stade de sa vie. Alain Tapié,
directeur du Musée de l’Hospice Comtesse
souligne, à cet effet, que « les grands
autoportraits parlent toujours d’une figure
fondamentale, ici celle du gisant. La fonction
première des peintures de Trémeau
est de nous donner à réfléchir car chacun
peut s’imaginer prendre la place de cette
figure en méditation »
.
Si la froideur minérale et l’emploi de
lumières sombres donnent un aspect
mortuaire aux tableaux, l’abandon du
mouvement permet, paradoxalement, de
redonner vitalité à la chair et au corps.
« De l’exposition de ces masses corporelles
impassibles et plus ou moins nues se
dégage un esprit à la fois de continuité
et de permanence »
, conclut Alain Tapié.
Bref, les « Gisants » de Trémeau peuvent
être considérés comme une allégorie de
la mort. Ou de la vie.

Loi des séries

Les « Gisants » d’Édouard Trémeau s’apprécient
en fonction des tableaux précédents
de l’artiste. Son oeuvre se construit
autour de séries : celles des otages, des
murs, des rhinocéros… Dans le travail de
Trémeau, l’histoire a un rôle perpétuel
et incontournable : histoire personnelle,
grande Histoire ou encore histoire de l’art.
Ainsi, on remarque que la représentation
de la « fin » de l’autre est un sujet récurrent
dans ses peintures.
Et puis, fin 2005 sonna comme un déclic :
« Je me suis réveillé un matin en me
disant : “Zut, l’an prochain, j’ai un an de
plus !”
, confie le peintre lillois. Il était
temps pour moi de traduire sur toiles,
l’homme, celui que j’étais, en l’état de son
âge. »
De là, l’idée de faire un « état des
lieux » germa : ce corps debout de 70 ans
fut peint, déjà sous forme d’autoportraits,
en deux triptyques. Puis, « l’animal vertical
qui se regardait devint un être horizontal »
,
assurant une suite architecturale de
la prostration du corps de l’artiste.
Dans « Gisants », c’est un homme debout
qui représente un être à l’horizon de sa
vie. Mais y aura-t-il une suite à cette série,
un ultime « face à face avec la peinture » ?
Mystère…


Par Pierre Leduc (Lille Magazine,
avril 2008)

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