Un article sur une exposition de tableaux "Gisants" du peintre lillois, Edouard Trémeau, à la chapelle de l’Hospice Comtesse (Lille - avril 2008).
« Gisants » de Trémeau : l’horizon mortel de l’Homme
À travers dix autoportraits couchés, le peintre lillois
nous incite à infléchir notre regard sur la « fin »
de l’autre. Aux frontières de l’intime, l’oeuvre de
Trémeau offre au public une réflexion personnalisée et
personnalisable sur la notion de mort. À corps perdu.
Avec la chapelle de l’Hospice
Comtesse, Édouard Trémeau ne
pouvait rêver de meilleur lieu d’exposition
pour ses « Gisants ». L’artiste concède
lui-même que sa dizaine de toiles « ne
pouvaient être dans un autre lieu que
celui-là ». En l’occurrence, on peut même
parler d’une véritable rencontre entre une
oeuvre et un lieu dans une atmosphère si
ce n’est religieuse, du moins spirituelle.
Dans cet endroit sacré, le Gisant nous
donne à réfléchir, à méditer sur la vie, la
mort, la résurrection.
Le Gisant est ce corps allongé méditant sur
un état intermédiaire entre le sommeil et
la mort. C’est un thème qui a été peint
dès le Moyen Âge. En « peintre d’idées »
qu’il est, Édouard Trémeau revisite, de
manière originale, ce classique artistique.
Fragmentés, de face ou de profil, ses propres
gisants sont déclinés sous différents
angles, multipliant ainsi les possibilités
d’interprétation, car « chaque toile a sa
globalité propre », selon l’artiste.
« Gisant » :
reflet de la mort ?
Avec ses autoportraits, Trémeau devient
son propre sujet de représentation. Tel un
miroir, ses toiles ont comme un effet réfléchissant
sur ce qu’il est ou sur ce qu’il est
devenu à ce stade de sa vie. Alain Tapié,
directeur du Musée de l’Hospice Comtesse
souligne, à cet effet, que « les grands
autoportraits parlent toujours d’une figure
fondamentale, ici celle du gisant. La fonction
première des peintures de Trémeau
est de nous donner à réfléchir car chacun
peut s’imaginer prendre la place de cette
figure en méditation ».
Si la froideur minérale et l’emploi de
lumières sombres donnent un aspect
mortuaire aux tableaux, l’abandon du
mouvement permet, paradoxalement, de
redonner vitalité à la chair et au corps.
« De l’exposition de ces masses corporelles
impassibles et plus ou moins nues se
dégage un esprit à la fois de continuité
et de permanence », conclut Alain Tapié.
Bref, les « Gisants » de Trémeau peuvent
être considérés comme une allégorie de
la mort. Ou de la vie.
Loi des séries
Les « Gisants » d’Édouard Trémeau s’apprécient
en fonction des tableaux précédents
de l’artiste. Son oeuvre se construit
autour de séries : celles des otages, des
murs, des rhinocéros… Dans le travail de
Trémeau, l’histoire a un rôle perpétuel
et incontournable : histoire personnelle,
grande Histoire ou encore histoire de l’art.
Ainsi, on remarque que la représentation
de la « fin » de l’autre est un sujet récurrent
dans ses peintures.
Et puis, fin 2005 sonna comme un déclic :
« Je me suis réveillé un matin en me
disant : “Zut, l’an prochain, j’ai un an de
plus !”, confie le peintre lillois. Il était
temps pour moi de traduire sur toiles,
l’homme, celui que j’étais, en l’état de son
âge. » De là, l’idée de faire un « état des
lieux » germa : ce corps debout de 70 ans
fut peint, déjà sous forme d’autoportraits,
en deux triptyques. Puis, « l’animal vertical
qui se regardait devint un être horizontal »,
assurant une suite architecturale de
la prostration du corps de l’artiste.
Dans « Gisants », c’est un homme debout
qui représente un être à l’horizon de sa
vie. Mais y aura-t-il une suite à cette série,
un ultime « face à face avec la peinture » ?
Mystère…
Par Pierre Leduc (Lille Magazine,
avril 2008)
« Gisants » de Trémeau : l’horizon mortel de l’Homme
À travers dix autoportraits couchés, le peintre lillois
nous incite à infléchir notre regard sur la « fin »
de l’autre. Aux frontières de l’intime, l’oeuvre de
Trémeau offre au public une réflexion personnalisée et
personnalisable sur la notion de mort. À corps perdu.
Avec la chapelle de l’Hospice
Comtesse, Édouard Trémeau ne
pouvait rêver de meilleur lieu d’exposition
pour ses « Gisants ». L’artiste concède
lui-même que sa dizaine de toiles « ne
pouvaient être dans un autre lieu que
celui-là ». En l’occurrence, on peut même
parler d’une véritable rencontre entre une
oeuvre et un lieu dans une atmosphère si
ce n’est religieuse, du moins spirituelle.
Dans cet endroit sacré, le Gisant nous
donne à réfléchir, à méditer sur la vie, la
mort, la résurrection.
Le Gisant est ce corps allongé méditant sur
un état intermédiaire entre le sommeil et
la mort. C’est un thème qui a été peint
dès le Moyen Âge. En « peintre d’idées »
qu’il est, Édouard Trémeau revisite, de
manière originale, ce classique artistique.
Fragmentés, de face ou de profil, ses propres
gisants sont déclinés sous différents
angles, multipliant ainsi les possibilités
d’interprétation, car « chaque toile a sa
globalité propre », selon l’artiste.
« Gisant » :
reflet de la mort ?
Avec ses autoportraits, Trémeau devient
son propre sujet de représentation. Tel un
miroir, ses toiles ont comme un effet réfléchissant
sur ce qu’il est ou sur ce qu’il est
devenu à ce stade de sa vie. Alain Tapié,
directeur du Musée de l’Hospice Comtesse
souligne, à cet effet, que « les grands
autoportraits parlent toujours d’une figure
fondamentale, ici celle du gisant. La fonction
première des peintures de Trémeau
est de nous donner à réfléchir car chacun
peut s’imaginer prendre la place de cette
figure en méditation ».
Si la froideur minérale et l’emploi de
lumières sombres donnent un aspect
mortuaire aux tableaux, l’abandon du
mouvement permet, paradoxalement, de
redonner vitalité à la chair et au corps.
« De l’exposition de ces masses corporelles
impassibles et plus ou moins nues se
dégage un esprit à la fois de continuité
et de permanence », conclut Alain Tapié.
Bref, les « Gisants » de Trémeau peuvent
être considérés comme une allégorie de
la mort. Ou de la vie.
Loi des séries
Les « Gisants » d’Édouard Trémeau s’apprécient
en fonction des tableaux précédents
de l’artiste. Son oeuvre se construit
autour de séries : celles des otages, des
murs, des rhinocéros… Dans le travail de
Trémeau, l’histoire a un rôle perpétuel
et incontournable : histoire personnelle,
grande Histoire ou encore histoire de l’art.
Ainsi, on remarque que la représentation
de la « fin » de l’autre est un sujet récurrent
dans ses peintures.
Et puis, fin 2005 sonna comme un déclic :
« Je me suis réveillé un matin en me
disant : “Zut, l’an prochain, j’ai un an de
plus !”, confie le peintre lillois. Il était
temps pour moi de traduire sur toiles,
l’homme, celui que j’étais, en l’état de son
âge. » De là, l’idée de faire un « état des
lieux » germa : ce corps debout de 70 ans
fut peint, déjà sous forme d’autoportraits,
en deux triptyques. Puis, « l’animal vertical
qui se regardait devint un être horizontal »,
assurant une suite architecturale de
la prostration du corps de l’artiste.
Dans « Gisants », c’est un homme debout
qui représente un être à l’horizon de sa
vie. Mais y aura-t-il une suite à cette série,
un ultime « face à face avec la peinture » ?
Mystère…
Par Pierre Leduc (Lille Magazine,
avril 2008)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire