vendredi 11 juin 2010

"Mot Dit" du jour (21)

« Faut pas croire les journaux, faut me croire, moi, voilà, parce que moi, je suis en charge du sujet. »


(Eric Woerth*, Europe 1 via Associated Press**, 10/06/2010, à propos de la réforme des retraites)



Décidément, le « Mot Dit » du jour surfe sur le scepticisme médiatique en ce moment ! Après Ségolène Royal piégée par l’encyclopédie en ligne, Wikipédia (voir « Mot Dit » du jour 20), voici Eric Woerth, ministre du Travail, de la Solidarité et de la Fonction publique, qui déclare, en pleine actualité sur la réforme des retraites, son manque de foi envers la presse écrite. Ainsi, chers lecteurs, ne croyez plus en l’information virtuelle ou matérielle (papier), croyez seulement en l’homme ! En l’homme politique plus exactement. Et à sa parole immaculée.

Car Eric Woerth va plus loin, il est l’apôtre de la vérité totale (« Je dis totalement la vérité »). A l’en croire, la presse fantasme sur les futures mesures du gouvernement sur ce vieux serpent de mer qu'est la réforme des retraites. Avec cette sortie médiatique, le ministre exhorte les lecteurs de la presse écrite à ne pas croire tout comme article de foi***. En quelque sorte, la presse serait sujette à caution sur ce sujet à débat !

Plus étonnante est l’argumentation du ministre. Il faudrait croire en sa parole tout simplement parce que c’est lui et lui seul qui est en charge du dossier des retraites ! Une sacrée charge, soit dit en passant. Il faudrait le croire parce qu’il est le mieux placé pour en parler et qu’il est, cela va de soi, de bonne foi. Eric Woerth a ajouté au micro d’Europe 1 que le gouvernement allait annoncer « une réforme totale, complète, avec le nouvel âge légal, avec ce qui se passera dans les mesures de convergence entre le public et le privé, avec la pénibilité, avec les carrières longues. Tout ça sera dans l'annonce du gouvernement prévue entre le 15 et le 16 [juin]. » Toute interprétation anticipée de la part de la presse ne serait, par conséquent, que procès d’intention…

D’un point de vue stylistique, ce « Mot Dit » du jour est intéressant à analyser. Eric Woerth use de la répétition avec l'emploi de trois pronoms personnels (« me », « moi » et « moi je ») verbalisés de « faux » impératifs (« faut pas », « faut »****.) La rhétorique est celle de l’insistance, le ton péremptoire. Eric Woerth croit en lui et en son discours. D’aucuns diront qu’il s’y croit ! Mais reste à savoir si les Français le croiront sur parole. Eux qui ne connaissent que trop bien le dicton « Les promesses n'engagent que ceux qui y croient »...

En fait, c’est comme dans la chanson du regretté Daniel Balavoine***** : « faut pas croire [ce que disent] les journaux » ! Cela dit, en matière de réforme des retraites, Eric Woerth sera-t-il, lui, un héros ?




*Ministre du Travail, de la Solidarité et de la Fonction publique

**http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/social/20100610.FAP3451/eric-woerth-sur-les-retraites-faut-pas-croire-les-journaux-faut-me-croire-moi.html

***Croire tout comme article de foi = être très crédule

****le verbe falloir ne s’utilise qu’à la troisième personne du singulier et ne se conjugue pas à l’impératif

*****Je ne suis pas un héros (titre de l’album Un autre Monde sorti en 1980)

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