samedi 5 juin 2010

En route vers la Coupe du Monde (3)

Le faux dialogue croisé Hidalgo-Domenech

Avec ce France-Chine disputé à Saint-Pierre de la Réunion, Raymond Domenech a battu le record du nombre de rencontres dirigées par un sélectionneur français. Ce record, jusqu’alors détenu par Michel Hidalgo (1976-1984), est désormais de 76 matchs, série en cours. En marge de la défaite face à la Chine, Mot Dit Blog a organisé une rencontre imaginaire entre les deux sélectionneurs emblématiques. Morceaux choisis.


Michel Hidalgo : Eh bien, ça y est Raymond, après ce France-Chine, tu viens de me dépasser au niveau des matchs à la tête de l’Equipe de France…

Raymond Domenech : Oui, c’est un honneur de faire mieux que toi. Quelque part, j’en suis fier. C’est également une petite satisfaction personnelle. Si on m’avait dit ça au moment de mon intronisation en juillet 2004… Peu de gens me voyait durer autant, c’est bien mais ce n’est pas une finalité. J’espère porter ce record à 83 matchs* maintenant ! (sourire) Bien sûr, j’aurais préféré que ce record s’accompagne d’une victoire aujourd’hui mais…

M.H. : Justement Raymond, tu n’es pas inquiet après cette surprenante contre-performance face à la Chine ?

R.D. : C’est toujours mieux de débuter une compétition internationale avec une ou des victoires en poche, c’est sûr. Les joueurs sortent d’une grosse préparation. On a manqué de fraîcheur physique, voilà, on le savait. Le but, ce n’est pas d’être prêt aujourd’hui en amical mais le 11 pour l’Uruguay. Il nous reste une semaine pour améliorer certains détails. On savait qu’on allait faire face à un gros bloc défensif chinois. On a eu des occasions mais malheureusement, on a pêché dans la finition. Il faudra y remédier. C’est une alerte pour les joueurs, ce n’est pas plus mal. En 2002, l’Equipe de France était partie ultra-confiante et elle était tombée d’entrée…

M.H. : Oui, cela me rappelle la préparation de la Coupe du Monde en Espagne (NDLR : en 1982) où on avait perdu face au Pays de Galles (NDLR : 0-1). Sans parler de la défaite initiale face aux Anglais. Heureusement, cela s’est arrangé par la suite ! C’est tout le mal que je souhaite aux Bleus en Afrique du Sud ! (sourire) Ce qui me perturbe, Raymond, c’est la pente descendante de ces trois matchs de préparation : encourageante après le Costa Rica, l’Equipe de France a été plus décevante en Tunisie et inquiétante tout à l’heure face à la Chine…

R.D. : Rien de grave, Michel, on sera là le jour-J ! Je me répète, les joueurs ont manqué de fraîcheur. Ce ne sera plus le cas dans une semaine au Cap (NDLR : lieu du futur Uruguay-France). On a encore une semaine pour travailler. Je ne suis pas inquiet. A celles et ceux qui doutent, je leur donne rendez-vous le 11 juillet au soir** ! (sourire satisfait)

M.H. : Lors de ces matchs amicaux, tu as tenté une nouvelle disposition tactique en 4-3-3. L’Equipe de France m’est apparue un peu plus audacieuse. Vas-tu conserver ce schéma ?

R.D. : Rien n’est figé. J’entends ici et là qu’en 4-3-3, l’Equipe de France est moins ennuyeuse. Sur le plan de l’animation, c’est intéressant, certes, mais c’est encore perfectible. Les joueurs ont dû s’adapter à ce nouveau schéma. On va voir, je vais étudier la question avec mon staff et on avisera du meilleur schéma à mettre en place !

M.H. : Ce soir, tu as fait évoluer ton onze titulaire, ou du moins pressenti comme tel pour l’Uruguay. Devant, certains peinent dans leur rendement, je pense prioritairement à Govou. Qu’en penses-tu ?

R.D. : Je ne peux pas focaliser sur un, deux ou trois joueurs. L’animation offensive, c’est un tout. Sidney, je compte sur lui. Il tient bien son couloir droit et ne ménage pas ses efforts pour aider défensivement l’équipe. Cela ne se voit pas forcément, j’en conviens, mais il est important. Il peut toujours faire mieux que ses dernières prestations, c’est évident. Par le passé, il a déjà rendu service à l’Equipe de France, il ne faut pas avoir la mémoire courte. Je connais « Sid », il sera au point quand le Mondial débutera…

M.H. : Pour l’attaquant axial, ta préférence repose sur Nicolas Anelka. Pourtant, je l’ai trouvé transparent lors de ces trois matchs amicaux. Sur la forme du moment, je verrais bien un André-Pierre Gignac à sa place. Il en veut. Anelka serait peut-être plus intéressant à droite à la place de Govou. En plus, il a déjà tenu ce poste à Chelsea. Tu n’es pas d’accord ?

R.D. : C’est comme pour le choix tactique, rien n’est figé. On a tenté des trucs lors de ces matchs de préparation, tout n’a pas été parfait. Il ne faut pas tout remettre en cause, non plus (sic). Nicolas Anelka a fait une très bonne saison à Chelsea. Il a déjà été très bon au poste d’avant-centre en Equipe de France. Comme pour Govou, il peut toujours mieux faire. Nico a faim, ce sera son premier Mondial ! En 2006, j’avais eu raison avant tout le monde en annonçant que « Pat » Vieira allait faire une grande Coupe du Monde. J’annonce que
« Nico » fera un grand Mondial ! J’ai vu ça dans les cartes ! (rires) Quant à André-Pierre, il apporte beaucoup de punch quand il entre. Il a un excellent état d’esprit. C’est très positif et cela rejaillit au sein du groupe.

M.H. : J’ai bien aimé le petit Valbuena. Lui aussi, il apporte de la percussion, de la fraîcheur, de l'audace !

R.D. : Son parcours et sa sélection me rappellent ceux de Franck Ribéry. Il n’a rien à perdre. Il donne tout. Les anciens l’ont pris sous son aile. Il est un peu la mascotte du groupe ! Sa présence est bénéfique car il transmet son enthousiasme d’être là, en Bleu. A lui de prendre sa chance…si je la lui donne ! (rires)

M.H. : Autre satisfaction : Abou Diaby. Il m’a tapé dans l’œil… Lui aussi pourrait bouleverser la hiérarchie à la dernière minute, non ? Il ne faut pas hésiter à faire le choix des p’tits nouveaux ou des hommes en forme qui, au départ, ont un statut de remplaçant. En 1982, j’avais opté en dernier ressort pour Ettori dans les cages. Cela n’avait pas trop marché. Mais au cours de ce même Mondial, j’ai incorporé Jeannot Tigana au milieu. J'ai eu de la réussite ce coup-ci car il s’est imposé alors qu'au début, il n’avait qu’un statut de remplaçant de luxe ! Toi aussi, tu as déjà expérimenté ça avec bonheur…

R.D. : Oui, avec Franck Ribéry en 2006. C’était un coup de poker et « Francky » avait répondu présent ! Il est devenu depuis un taulier de l’Equipe de France. Je compte beaucoup sur lui. Alors, oui, Diaby, Valbuena ou Gignac, on verra. Je ne peux pas tout dévoiler maintenant ! (sourire gêné)

M.H. : Il y a le cas Henry. Il était capitaine, le voilà remplaçant. Comment gères-tu cela ?

R.D. : Avec « Titi », on a beaucoup discuté. Les médias parlent d’un « pacte », cela me fait rire ! « Titi » est intelligent, il sait que je compte sur lui. Il aura un rôle essentiel au sein du groupe. Son expérience est précieuse, son état d’esprit irréprochable. Et avec la préparation, il revient en forme. Oui, il sera remplaçant au départ mais on aura besoin d’un joueur de sa trempe pour faire la différence. C’est un grand joueur, un compétiteur-né ! Il va se mettre au service du collectif et donnera un coup de main si nécessaire… (sûr de son effet)

M.H. : Tu t’apprêtes à disputer ta deuxième Coupe du Monde en tant que sélectionneur avant de quitter ton poste. Je te souhaite de finir ton contrat comme moi en 1984 avec ce titre de champion d’Europe. Je t’assure, Raymond, c’est beau de partir sur un titre. C’est tout le bien que je te souhaite !

R.D. : Je te remercie Michel, ce serait idéal, en effet ! C’est un objectif mais je ne peux pas le crier trop fort ! On a un point commun par rapport à la Coupe du Monde : les tirs au but. En 1982, tu perds une demi-finale et en 2006, je perds une finale par ce biais. C’est terrible. Ca fait mal. Je ne sais pas pour toi mais cette défaite aux tirs au but me reste au travers de la gorge. Je compte sur ce deuxième Mondial pour effacer cette cicatrice !

M.H. : Je n’oublierais jamais ce France-RFA : le match, Battiston, Schumacher, la volée de Trésor, la prolongation, les tirs au but… Pour ton premier Mondial, tu avais fait finale, moi élimination au Premier Tour (NDLR : en 1978 par l’Argentine, organisatrice et future vainqueur du Tournoi, et l’Italie). Pour le second, on avait échoué en demi, tu l’as rappelé. J’espère que tu ne suivras pas un parcours inverse au mien avec une élimination prématurée en Afrique du Sud !

R.D. : Oh je ne suis pas superstitieux ! (rires) Le danger existe mais je suis confiant.

M.H. : A la fin de ton Mondial, nous réserves-tu une nouvelle sortie médiatique comme celle de l’Euro 2008 ?

R.D. : On verra. Cela ne traverse pas mon esprit, ce n’est pas ma priorité. Cela fait bien longtemps que je ne m’occupe plus de ce que disent les médias, des polémiques. Je suis concentré sur mon sujet. En 2008, beaucoup m’ont reproché ma demande en mariage. C’était une erreur, j’avais fait preuve d’humanité à chaud après une déception. Qui sait, si cela se passe à nouveau mal, peut-être annoncerais-je qu’Estelle est enceinte ? (rires)

Propos recueillis par Pierre Leduc



*ce qui sous-entend que l’Equipe de France atteigne la finale de la Coupe du Monde !

**date de la finale de la Coupe du Monde
(NDLR = Note De La Rédaction)




p.s. :
Ce post est un « blog-test » combiné avec Alain Alpern. Ce dernier tient depuis quelques années maintenant le blog de référence de l’actualité politique d’Hénin-Beaumont (http://alpernalain.blogspot.com/). Passionné de football, cet ancien Conseiller Régional m’a proposé d’unir nos « forces » rédactionnelles pour tenir quotidiennement, et alternativement sur nos blogs respectifs, une chronique « Coupe du Monde ». Ce post est donc expérimental (3ème et dernier essai) afin qu’on puisse parfaire notre future collaboration footballistique !

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