lundi 2 mai 2011

« Une sorte d’hostilité du gouvernement à l’égard de l’école »

Interview de François Dubet sur la politique scolaire actuelle, au moment des mobilisations dans toute la France contre les 16 000 suppressions de postes dans l'Education nationale.


[François Dubet est un sociologue français, professeur à l'Université Bordeaux II et directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il est l’auteur de nombreux ouvrages consacrés aux questions scolaires comme L'École des chances : qu'est-ce qu'une école juste ? (2004) ou Les sociétés et leur école. Emprise du diplôme et cohésion sociale avec Marie Duru-Bellat et Antoine Vérétout (2010).]


« Une sorte d’hostilité du gouvernement à l’égard de l’école »

Que pensez-vous de la politique scolaire actuelle ?
Mon jugement est là-dessus sans ambiguïté : la politique actuelle sur l’école n’est pas bonne. Je trouve que la semaine de quatre jours à l’école élémentaire, c’est une catastrophe. Je pense que la mise en cause et la quasi-suppression de la formation des enseignants sont elles aussi assez catastrophiques. Et la troisième chose, c’est la suppression de postes qui n’est évidemment pas bonne. Elle manifeste une sorte d’hostilité du gouvernement à l’égard de l’école. Mais il ne faudrait pas dire simplement que si on se débarrasse de la politique du gouvernement actuel, l’école marchera mieux.

Quelles sont les faiblesses de l’école ?
D’abord, l’école est considérablement plus inégalitaire que ne le supposeraient les inégalités sociales en France. Car l’école rajoute de l’inégalité. En fait, il ne faudrait pas que les inégalités sociales déterminent trop fortement les inégalités scolaires, mais il ne faudrait pas aussi que les hiérarchies scolaires ne déterminent trop lourdement les hiérarchies sociales. La deuxième grande faiblesse de cette école, c’est qu’elle est vécue comme sélective, stressante, hostile. Notre école, si on la compare à d’autres écoles, est effectivement plus sélective, plus excluante, plus mal vécue. Nos élèves en échec sont plus nombreux qu’ailleurs et nos très bons élèves sont aussi moins nombreux qu’ailleurs ! La troisième faiblesse de notre système scolaire, c’est qu’on n’arrive pas à se défaire de cette hiérarchie de mérite scolaire qui fait que si vous êtes bons, vous allez dans des formations générales et que si vous êtes moins bons, vous allez dans des formations professionnelles. Ces grandes faiblesses de l’école française ont été accentuées par la politique de Nicolas Sarkozy. Mais elles ne seront pas résorbées si on revient aux politiques d’avant.

Peut-on réformer l’école ?
Les politiques scolaires françaises apparaissent comme étant extrêmement bloquées, c’est-à-dire qu’il est très difficile en France d’avoir des capacités de réformer le système scolaire. Tout le monde râle, mais au fond, les politiques, les syndicats, tout le monde, dans une grande majorité, sont assez profondément conservateurs. C’est-à-dire qu’on se contente souvent de dire « donnez plus de moyens » pour faire ce qui ne marchait pas, plutôt que de dire « comment pourrions-nous y prendre pour que ça marche mieux ? ».


Propos recueillis par Pierre Leduc

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